Le sujet coïncide avec la mise en chantier du nouveau code du travail. Complexe du fait même que la loi 90/11 du 21 avril 1990 modifiée et complétée, relative aux relations de travail, n’encadre pas suffisamment la négociation d’où les moult incompréhensions qui engendrent généralement des situations conflictuelles inutiles ; délicate car la négociation s’articule essentiellement autour de la rémunération (noeud gordien) et c’est là un enjeu de taille puisque les intérêts de l’employeur et des travailleurs sont diamétralement opposés.
La recherche d’un compromis n’est pas aisée pour la simple raison est que la promotion du dialogue social reste encore tributaire de considérations d’ordre sociologique et politique. Au plan historique le droit conventionnel en Algérie dont les premiers jalons ont été posés depuis plus de trois décennies, (protocoles d’accord ) n’a été institutionnalisé qu’à partir de 1990 après l’abrogation de Statut Général du Travailleur. Cette refonte brusque et totale puise son fondement dans les mutations socio-économiques opérées dès 1988 en raison de facteurs aussi bien endogènes qu’exogènes qui conjugués ont débouché sur une véritable récession. Et c’est ainsi qu’au plan micro-économique, l’entreprise déjà confrontée aux difficultés (désinvestissement, outil de production obsolète, plan de charges insuffisant... ) devait faire face aux revendications brandies légitimement par les travailleurs dont le pouvoir d’achat s’est amenuisé au fil des années conséquemment à l’accélération des mesures d’ajustement structurel opérées au plan macro-économique, c’est dans ce contexte "véritable magma" que les toutes premières négociations ont été initiées. Ont-elles atteint leurs objectifs ? Le résultat importe peu, les zones d’ombre devraient aujourd’hui focaliser tout l’intérêt des législateurs pour les éclaircir. Dans cette optique, certains points mériteraient d’être pris en charge pour permettre aux partenaires sociaux d’aborder les véritables problèmes qui se poseront forcément à l’entreprise qui désormais sera jaugée en fonction de ses résultats économiques d’autant qu’avec la libéralisation (privatisations, accord d’association avec l’UE, adhésion à l’OMC...), la concurrence deviendra à coup sûr très rude dans ce contexte économique mondialisé. Il faut donc, c’est impératif, réunir les meilleures conditions pour que l’entreprise puisse évoluer dans un environnement plus propice qui favoriserait l’utilisation optimale de ses potentialités humaines et techniques et qui garantirait sa pérennité. Vus de cet angle, les conventions et accords collectifs pourraient constituer un instrument de stabilité pour l’entreprise en attendant la mise en place d’un pacte social à même de favoriser la paix sociale, socle de toute croissance. Partant de ces préoccupations et dans le souci de contribuer à lever certaines ambiguïtés, il serait donc judicieux d’amender le titre IV relatif à la négociation collective de la loi 90/11 du 2 1/4/1990 modifiée et complétée, relative aux relations de travail. Dans ce registre, il y a lieu de noter que la jurisprudence n’a pas été mise à contribution contrairement aux autres volets des relations de travail. 1. Le délai légal : Il faut déterminer le délai légal imparti pour l’ouverture de la négociation à la demande de l’une des deux parties, ce délai peut être de deux mois en tenant compte que le délai arrêté après la dénonciation de la convention est d’un mois (art.133 de la loi précitée ci-dessus), le délai de deux mois est tout à fait raisonnable puisque l’ébauche d’une convention est assez aisée dans la mesure où la GRH dispose de tous les agrégats en la matière. 2. L’information : la loi est muette sur ce plan, or une négociation ne peut aboutir s’agissant d’un consensus que si les deux parties à la négociation sont convaincues de la pertinence des données économiques propres à l’entreprise, il serait souhaitable de mettre à la disposition des représentants des travailleurs mandatés pour mener la négociation les informations nécessaires leur permettant d’apprécier objectivement l’état financier et économique de l’entreprise. Il serait possible, par ailleurs, à chacune des deux parties de pouvoir demander toute information à l’exception de celle ayant un caractère confidentiel et pouvant nuire aux intérêts de l’entreprise. Même s’il est permis de rétorquer que les négociateurs (partie travailleurs) disposent de ces données par le biais du délégué du personnel (élu au premier tour) en étant cautionné par l’organisation syndicale représentative, le problème se poserait pour les entreprises où il n’existe pas de structure syndicale et celles de moins de vingt travailleurs puisque pour les premières, le délégué élu directement par le collectif des travailleurs pour les besoins de la négociation se trouverait désarmé et à bout d’arguments et il en est de même pour les secondes en notant que les types d’entreprises de moins de vingt travailleurs foisonnent et des milliers de salariés sont par conséquent concernés en premier chef par la négociation sans pour autant avoir les leviers nécessaires pour ce faire. 3. Le principe d’extension : l’article 121 de la loi précitée ci-dessus stipule, en substance que « l’organisme employeur peut disposer d’une convention et d’accords collectifs ou être partie prenante d’une convention de rang supérieur" qui comme l’explique l’article 122 "est réputée telle dès lors qu’elle dépasse le cadre de l’organisme employeur et dès qu’elle est négociée et conclue par les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs reconnues représentatives dans le champ d’application sectoriel, professionnel ou territorial ». Les deux parties à la négociation peuvent adhérer d’un commun accord à la convention de rang supérieur c’est à dire obligatoirement par voie de négociations, l’article 116 de la loi précitée est assez explicite à cet égard. Au plan professionnel c’est à dire vertical, il est impératif, pour les mêmes raisons évoquées au sujet de l’information, d’introduire le principe de l’extension car il est aberrant de constater aujourd’hui encore des disparités salariales criardes au sein d’une même profession, l’application de ce principe permettra d’homogénéiser relativement les coûts de la main d’oeuvre et par la même de réunir certaines conditions objectives dans le cadre d’une concurrence loyale ; l’économie libérale a ses règles et les opérateurs économiques principalement privés doivent compter sur leurs propres initiatives, il ne s’agit plus de tergiverser sur la nature du choix économique et entretenir de cette façon une certaine ambivalence. La convention et les accords collectifs doivent être étendus obligatoirement à toutes les entreprises lorsque dans la profession au moins 50 % des salariés et/ou 50% des entreprises sont déjà concernés par l’application de la convention et les accords collectifs spécifiques à leur champ professionnel. Le Ministère du Travail, outillé en statistiques par l’Inspection Générale du Travail en charge de l’enregistrement des conventions et accords collectifs, peut alors édicter (par voie réglementaire) l’entrée en vigueur de la convention quand le taux arrêté est réuni dans la profession concernée. 4. L’assistance : il est impératif de prévoir une disposition qui permet à chacune des deux parties à la négociation d’être assistée par des conseillers de son choix : des travailleurs de l’entreprise et/ou de la branche d’activité, les deux parties, d’un commun accord, peuvent convenir également de recourir à l’éclairage de compétences éprouvées (experts) pour élucider certaines questions d’ordre technique notamment, cet apport est loin d’être négligeable. 5. L’expérience internationale : l’adaptation de la législation nationale du travail aux normes internationales, (cinquante quatre conventions ratifiées à ce jour sous toute réserve) est déjà en soi très significative de l’effort accompli. Il s’agit, aujourd’hui, à la faveur de la refonte du dispositif législatif et réglementaire de mettre à profit cette possibilité pour approfondir le processus déjà engagé, ceci d’une part. D’autre part, on ne saurait aborder la convention et les accords collectifs sans faire référence à l’expérience internationale en la matière. l’Algérie, à l’instar de nombreux pays, a pour sa part ratifié dès octobre 1962 la Convention 098 sur le droit d’organisation et de négociation collective (OIT 1949) qui énonce un certain nombre de dispositions à même de favoriser la mise en place des conventions collectives dont les niveaux d’articulation sont multiples. A titre d’exemples, en France, l’application du principe de l’extension est codifié, il est de même au royaume marocain, la mise à disposition des informations est obligatoire pour le déroulement des négociations aussi bien chez les Français que chez les Marocains qui -faut-il le souligner fortement au passage - disposent d’un Conseil de la négociation collective, ce dernier a pour missions entre autres de promouvoir la négociation, de présenter des propositions à l’effet d’encourager et généraliser les conventions ; il peut être sollicité également pour interpréter les clauses des conventions.., c’est dire tout l’intérêt qui est accordé à cette forme de contrat collectif. En Algérie, un organe d’harmonisation des conventions collectives est aujourd’hui plus qu’indispensable car l’anarchie dans les salaires peut avoir à moyen terme des effets pervers. Un tel organe, doté de mécanismes adéquats pour un fonctionnement efficace, pourrait constituer un cadre idoine de régulation des conventions de rang supérieur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.